Après tant d’années d’attente, le Président Tebboune ouvre le dossier de la mémoire algéro-française

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Chose promise, chose due. Le président de la République Abdelmadjid Tebboune qui a promis, à l’occasion de la commémoration de la Journée nationale du chahid, le 18 février dernier, de récupérer « notre mémoire et les restes mortuaires de nos chouhada, conservés par l’ancien colonisateur », en l’occurrence la France, vient d’honorer, ce vendredi 3 juillet 2020, ses promesses envers le peuple algérien. M. Tebboune a annoncé que l’Algérie se verrait restituer les crânes de 24 résistants tués au milieu du XIXe siècle, durant la résistance contre les troupes françaises affirmant que les restes mortuaires d’autres chouhada seront rapatriés à l’avenir, le processus devant se poursuivre jusqu’à son terme.

Lors du Conseil des ministres tenu, début juin, par visioconférence, le présidée de la République, Abdelmadjid Tebboune, a affirmé que l’intérêt accordé à la mémoire était un devoir national sacré. « L’intérêt accordé à la mémoire nationale sous tous ses aspects n’était pas motivé par des considérations conjoncturelles, mais il s’agissait d’un devoir national sacré ne tolérant aucun marchandage et qui restera en tête des préoccupations de l’État afin d’immuniser la personnalité nationale, par fidélité aux martyrs de la glorieuse Révolution de Novembre et aux moudjahidine », rappelle le Président Tebboune. Rappelons par, ailleurs que, la restitution des crânes des résistants algériens à l’invasion et à la colonisation françaises, conservés depuis plus d’un siècle et demi au Musée d’histoire naturelle de Paris, constitue une des principales revendications de l’Etat algérien sur la question de la mémoire. La restitution des crânes de ces résistants avait fait l’objet d’une demande officielle de l’Algérie à la France et la question avait été soulevée lors d’entretiens entre les plus hautes autorités des deux pays. Une commission technique composée d’experts algériens avait été mise en place pour procéder à l’identification des crânes de ces résistants algériens. Tayeb Zitouni, ministre des Moudjahidine et des Ayants droit, avait déclaré en janvier 2019 que « à ce jour 31 crânes ont été déjà identifiés et l’opération se poursuit ». Les crânes de nombreux résistants algériens se trouvent au Musée d’histoire naturelle de Paris. Ainsi, la date de 3 juillet 2020 restera à jamais gravée dans la mémoire de tous les Algériens. Marquée par l’arrivée de 24 crânes de combattants algériens de différentes régions du pays à Alger, restitués par la France, à bord d’un avion militaire. Rappelons que plusieurs crânes de résistants algériens sont conservés depuis près de deux siècles au Musée de l’homme de Paris. En outre, une liste de 41 crânes identifiés provenant d’Algérie a été transmise en janvier 2018 à l’Élysée, en prévision de leur restitution en Algérie. Dans un message aux Algériens à l’occasion du 75e anniversaire des Massacres du 8 mai 1945, le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune avait annoncé avoir donné des instructions pour le lancement d’une chaîne de télévision spécialisée en Histoire. M. Tebboune avait fait savoir que cette nouvelle chaîne TV constituerait un support pour le système éducatif dans l’enseignement de l’histoire de l’Algérie. « J’ai donné des instructions pour le lancement d’une chaîne de télévision nationale spécialisée en Histoire, qui constituera un support pour le système éducatif dans l’enseignement de cette matière que nous voulons maintenir vivace pour toutes les générations », avait écrit le chef de l’Etat dans son message à la nation.

8 mai journée de la mémoire

En plus de la chaîne de télévision nationale spécialisée en Histoire, le président de la République avait annoncé avoir décrété le 8 mai de chaque année « Journée nationale de la Mémoire ». « Et c’est parce que notre Histoire demeurera toujours au premier plan des préoccupations de l’Algérie nouvelle et de celles de sa jeunesse, une Histoire que nous ne saurions, en aucun cas, omettre dans nos relations étrangères, que j’ai pris, à cette occasion, la décision d’instituer le 8 mai de chaque année », avait indiqué le président de la République. Il convient de rappeler que la question mémorielle relative à la période coloniale et à la Guerre d’Algérie a suscité, depuis quelques mois déjà, de nombreuses réactions de la part de plusieurs personnalités politiques. À titre d’exemple, 50 députés ont présenté le 17 février dernier un projet de loi exhortant la France à « reconnaître sa responsabilité dans tous les crimes commis par son armée durant son occupation de l’Algérie, et à présenter ses excuses officielles auprès du peuple algérien ». Tayeb Zitouni, ministre des Moudjahidines, avait, quant à lui, expliqué le 13 février dernier que « l’Algérie a cessé de négocier avec la France [sur le dossier des explosions nucléaires françaises], pour son irrespect et son manque de bonne volonté et de sérieux au vu des négociations ». Il avait en outre expliqué qu’il se préparait à faire passer la requête de récupération du dossier de mémoire, légalement aux niveaux des tribunaux internationaux, avec l’appui de collectifs d’avocats et d’associations. Plus récemment, Abdelmadjid Chikhi, directeur général du Centre national des archives, a appelé le gouvernement à entamer les démarches nécessaires pour restaurer les archives détenues par la France, estimant que cette démarche nécessitait « une réelle volonté politique».

Reconnaissance des présidents français

Rappelons qu’en février 2017, alors qu’il était candidat à la présidentielle, Emmanuel Macron, en visite à Alger, avait qualifié, dans une interview à un média local, la colonisation de l’Algérie de « crime contre l’humanité », de « vraie barbarie », ce qui lui avait valu de vives critiques de responsables politiques de droite. Avant lui en décembre 2007, à Constantine, Nicolas Sarkozy avait ¬condamné le système colonial, « injuste par nature ». « Ce système ne pouvait être vécu autrement que comme une entreprise d’asservissement et d’exploitation. Les fautes et les crimes du passé furent impardonnables », jugeait-il. En 2012, à Alger, François Hollande s’exprimait devant les parlementaires algériens. « Pendant cent trente-deux ans, l’Algérie a été soumise à un système profondément injuste et brutal, ce système a un nom, c’est la colonisation, et je reconnais ici les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien », déclarait-il alors, mais il refusait de « faire repentance » ou de « présenter des excuses ». Enfin, le plus important c’est que les Algériens ont mené leur combat national et qu’ils l’ont gagné, comme ils doivent s’atteler à remporter les autres combats qui les attendent. Il est à souligner qu’un certain nombre de petits pas a été opéré par les autorités françaises depuis la défunte loi de février 2005 (première mouture), mais face aux nostalgiques de la colonisation et à l’opportunisme électoraliste des forces politiques en présence, il existe en France des citoyens, des historiens, associations et autres institutions qui mènent un combat permanent pour que la vérité soit reconnue et justice rendue aux victimes de la colonisation.

 Y. M.

Liste des résistants algériens dont les ossements ont été rapatriés de France

Les ossements de 24 résistants algériens à l’occupation française, conservés depuis un siècle et demi au Muséum national d’histoire naturelle de Paris, ont été rapatriés le 3 juillet dernier en Algérie. Il s’agit, notamment, des restes mortuaires de six chefs de la résistance populaire contre l’occupation française dont:

La tête momifiée de Aissa Al-Hamadi, compagnon de Chérif Boubaghla
Le crâne de Chérif Boubaghla dit le borgne
Le crâne de Bouziane, chef de la révolte de l’oasis des Zaâtchas
Le crâne de Si Moussa, compagnon de Bouziane
Le crâne de Cherif Boukdida dit Bouamar Ben Kdida
Le crâne de Mokhtar Ben Kouider Al-Titraoui

Onze autres crânes de résistants algériens à la colonisation française ont été identifiés par le comité scientifique mis en place. Il s’agit du:
Crâne de Said, un marabout décapité en 1841 à Bab Elloum, Alger-Centre
Crâne non identifié d’une personne décapitée en 1841
Crâne de Amar Bensliman, Alger-Centre
Crâne de Mohamed Ben El Hadj, âgé entre 17 et 18 ans, de la grande tribu de Beni Menacer
Crâne de Belkacem Ben Mohamed El-Djenadi
Crâne de Ali Khelifa Ben Mohamed, 26 ans, décédé à Alger le 31 décembre 1838
Crâne de Keddour Ben Yettou
Crâne de Essaid Ben Delhis de Beni Slimane
Crâne de Saadi Ben Saad de la région de Collo
Tête non identifiée
Crâne de Lahbib ould..(nom incomplet), né en 1844 dans la région d’Oran.
Neuf autres crânes n’ont pas pu être identifiés, à l’heure actuelle, par le comité scientifique qui poursuit, néanmoins, son travail en vue de leur identification.

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