L’action civique et l’engagement du Président Tebboune favorisent le retour de 24 crânes de moudjahidine au pays

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On ne le dira jamais assez, la guerre d’indépendance ne doit pas être séparée de l’histoire de l’Algérie durant toute la période de la colonisation française et notamment des nombreux mouvements de résistance qui se sont opposés à elle. Idem pour l’action du président de la République Abdelmadjid Tebboune qui a inscrit dans son agenda politique, dès sa prise de fonction, le retour au pays des restes humains algériens datant du XIXe siècle, et qui étaient détenus dans les collections publiques affectées au Muséum national d’histoire naturelle à Paris.

L’engagement politique du chef de l’Etat est en effet indissociable de la formidable action civique menée essentiellement par des patriotes algériens depuis que l’historien et anthropologue Ali Farid Belkadi a découvert en mai 2011 leur existence dans de misérables cartons numérotés. Indigné et révolté par ce nouvel acte barbare post mortem, l’historien algérois lancera une pétition intitulée « Pour le rapatriement des restes mortuaires algériens conservés dans les musées français ». Ce manifeste, qui fera cependant peu de bruit à son lancement, était toutefois de bon aloi et fut d’autant plus judicieux qu’il était intervenu un an après le vote par le Parlement français d’un texte autorisant la restitution, à la Nouvelle-Zélande, de 16 têtes maories conservées dans les musées français. Pour la première fois, la loi française organise la sortie des collections des musées de France d’une catégorie entière d’éléments et non pas d’un objet déterminé. Ce texte prévoit par ailleurs de faciliter la procédure de déclassement de collections classées «inaliénables» en droit français. Cette autorisation constituait donc un cas de jurisprudence opportun. Et déjà en 2002, au terme d’une longue bataille, le Parlement avait autorisé la restitution à l’Afrique du Sud des restes de la dépouille de la « Vénus hottentote ». L’histoire est rarement une addition séquentielle. C’est un continuum. Le précédent citoyen d’Ali Farid Belkadi et le précédent juridique français en la matière prépareront le lit à une initiative de plus grand effet, cinq ans plus tard. En mai 2016, Brahim Senouci, professeur universitaire de physique en région parisienne, militant inlassable de la mémoire et membre du Tribunal Russel pour la Palestine, lance en effet une pétition sur change.org pour exiger de l’Etat français de faire rapatrier en Algérie les crânes des résistants séquestrés dans les sous-sols du Musée de l’Homme. Sa revendication, au contraire de celle de Ali Farid Belkadi, aura un très large écho, atteignant la barre psychologique des 300 000 signatures ! L’Elysée, qui l’a reçue ès qualité, ne pouvait donc ignorer cette protestation politique. Surtout pas après la publication en juillet d’une requête solennelle d’un collectif de 17 intellectuels algériens et français qui relaye l’initiative de Brahim Senouci, estimant, dans les colonnes du journal Le Monde que les crânes des héros de l’insurrection de 1849 doivent être restitués à l’Algérie indépendante. Parmi les signatures en vue, celles des historiens Gilles Manceron, Pascal Blanchard, Raphaëlle Branche, René Gallissot, Mohammed Harbi et Malika Rahal, du sociologue Aissa Kadri et de François Nadiras de la Ligue des droits de l’Homme.

Dans la foulée heureuse de Brahim Senouci, le journaliste et écrivain biskri Mohamed Balhi sort en Algérie, en novembre de la même année, son livre Zaatcha, 1849 qui jette encore la lumière sur le cas des prestigieux crânes de l’héroïque résistance des Zaatcha. Une action creusant encore le sillon pour une autre. Fin 2017, c’est Abderrezak Ghedab, président de l’Association anti-crime international, militant mémoriel connu et lui aussi natif de la région de Biskra, qui adresse une missive au Président Emmanuel Macron lui réclamant la restitution des crânes. Son chef de cabinet réagit alors en lui affirmant que « le président de la République a accédé à la demande des autorités algériennes qui revendiquaient légitimement le retour de ces restes ».

Lors de sa visite officielle à Alger le 6 décembre 2017, le Président Macron prend l’engagement de restituer les restes humains algériens tant réclamés. Le 7 décembre 2017, lors du Comité intergouvernemental de haut niveau à Matignon, la France et l’Algérie s’accordent « sur la nécessité de mettre en place une commission chargée d’identifier ces restes et de faire évoluer le cadre juridique français sur cette question ». Les autorités algériennes, pour leur part, adressent alors au gouvernement français une demande officielle de restitution le 26 décembre 2017. Côté français, le processus de restitution était complexe car, au-delà de la problématique politique et mémorielle déjà compliquée, il touchait au statut juridique de ces restes mortuaires juridiquement intégrés aux collections publiques nationales. Ceux-ci relevaient encore de la domanialité publique et étaient, à ce titre, « inaliénables, insaisissables et imprescriptibles ». Par ailleurs, parmi ces restes, si certains apparaissent comme étant ceux d’Algériens ayant combattu la colonisation française, d’autres ne sont pas identifiés. Il s’agit donc de travailler sur deux plans en parallèle : d’une part, en faisant évoluer le cadre législatif français pour permettre la sortie du domaine public de ces restes humains, et d’autre part en conduisant, avec les autorités algériennes, le travail scientifique nécessaire à leur identification par le truchement d’un comité conjoint. Au mois de mai 2018, ce modus operandi est présenté à la partie algérienne qui a fait part de son accord à travers un échange de lettres entre les deux ministres des Affaires étrangères. Un travail législatif sera donc opéré pour permettre la sortie du domaine public de ces vestiges humains si particuliers.

A son arrivée au pouvoir, et au lendemain même de son élection à la tête du pays, le Président Abdelmadjid Tebboune s’appliquera à faire accélérer le processus laborieux de récupération des vénérables crânes historiques. Les choses sont désormais frappées du sceau du sérieux et de la diligence. Le 8 mai 2020, un de ses proches conseillers, Abdelmadjid Chikhi, en charge des questions d’histoire, de mémoire et des archives, fait une déclaration au sujet des différends mémoriels entre Alger et Paris, parmi lesquels le contentieux relatif aux « crânes des martyrs qui ne sont pas restitués, jusque-là, à l’Algérie, à cause de la législation française qui ne cesse d’empêcher cette restitution, bien qu’un accord en ce sens ait été convenu ». Cette pique sonne comme un rappel et un avertissement à peine voilé. Les 2 et 27 juin derniers, les Présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron s’entretiennent au téléphone. Diverses questions d’intérêt international, régional et bilatéral commun furent à l’ordre du jour. Mais difficile de ne pas imaginer la question mémorielle parmi les sujets évoqués, et au centre, le dossier des crânes des martyrs sacrés.

La suite est désormais connue : les héros historiques sont revenus cette semaine, et seront enterrés au Carré des Martyrs à El Alia, à la veille même de la fête de l’Indépendance !

Un aphorisme arabe dit que « la morale réside toujours dans la fin du processus des choses ». Le chef de l’Etat Abdelmadjid Tebboune commence donc bien son mandat présidentiel en clôturant avec bonheur un dossier mémoriel long, complexe et fastidieux. Dans l’histoire du pays, du point de vue mémoriel, il y a eu trois actes significatifs : l’enterrement de l’Emir Abdelkader après le retour de ses cendres à Alger, en 1966, au début de l’ère Houari Boumediene, la remise au Président Abdelaziz Bouteflika par le président Jacques Chirac du sceau du Dey Hussein, lors de sa visite d’Etat à Alger, en 2003, et, enfin, le retour des 24 crânes de martyrs emblématiques symbolisant le sacrifice suprême pour la libération collective et la dignité nationale. A titre comparatif, si le retour au pays des cendres du géant de la résistance nationale que fut l’Emir Abdelkader et la restitution du sceau du Dey qui symbolisait l’Etat sous la Régence ottomane d’Alger sont des actes réjouissants, ils ne peuvent faire oublier cependant que l’Emir et le Dey, circonstances historiques obligent, ont été contraints de signer des actes de capitulation. En revanche, le retour de Cherif Boubaghla, Cheikh Bouziane, Moussa Edderkaoui, Si Mokhtar Ben Kouider Ettitraoui et consorts symbolise une seconde victoire contre le colonialisme, et à postériori. La symbolique n’est manifestement pas la même. Et dans le cas de la récupération des crânes des emblèmes de la résistance nationale, elle est puissante car elle imprègne le début du mandat du Président Abdelmadjid Tebboune de la marque du patriotisme actif au plus haut sommet de l’Etat.

 N. K.

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