L’électricité est un produit qui ne peut être emmagasiné, elle doit être transportée aussitôt produite et mise à la disposition du client pour son utilisation. Ce transport nécessite des moyens conséquents et une présence technique sans faille pour éviter tout problème pouvant interférer dans la distribution de cette énergie vitale de nos jours. Dans ce cadre, il était nécessaire de charger une structure indépendante pour la prise en charge du transport de l’électricité, sans l’encombrer de la distribution ou d’autres missions. Et c’est ainsi que le transport de l’électricité est devenu une mission à part, avec tout un savoir-faire et une technologie de pointe pour l’amélioration du service. Au niveau du groupe Sonelgaz, le transport de l’électricité est passé par différentes étapes avant d’arriver au GRTE : « Depuis l’avènement de la loi de 2002, le GRTE a la responsabilité de la gestion, de l’exploitation, de la maintenance et du développement du réseau de transport de l’électricité à travers le territoire national », nous explique Abdelhamid Rais, P-DG du GRTE.
Par Tahar MANSOUR
Considéré comme une activité fondamentale de Sonelgaz, le transport de l’électricité a connu des mutations diverses sur les plans technique et organisationnel afin d’accompagner l’évolution qualitative et quantitative du secteur de l’énergie électrique. Ainsi, c’est la Direction transport et mouvement (DTM) qui s’est occupé de ce segment entre 1969 et 2001. Suite à l’intégration de l’ingénierie, elle change de dénomination et devient la Direction de transport de l’électricité (DTE), au moment où une direction distincte est créée pour la conduite du système avec comme appellation Direction de la conduite système (DCS).
Un réseau électrique de 3216 km en 1969
En 1969, le réseau national d’électricité ne s’étendait que sur 3216 km pour une puissance de 1000 MVA, avec des lignes en 60 Kv, 90 Kv et 150 Kv. Ce n’est qu’en 1977 que l’Algérie a connu l’introduction du 220Kv sur une longueur de réseau qui a atteint 1784 km. L’évolution a été ensuite rapide et très importante puisque le réseau électrique est passé à une longueur de 13893 km en 2001 pour une puissance totale qui a atteint 16483 MVA. A partir de 2005, le GRTE a connu un niveau de tension supérieur dans le système électrique qui est celui du 400 Kv, permettant de mieux répondre à la demande croissante en énergie électrique tout en assurant une meilleure qualité de service. La même année (2005), le réseau électrique national comptait une longueur totale de 16662 km (dont 117 km en 400 Kv) avec une puissance de 25355 MVA.
30837 km de réseau électrique en 2020
L’évolution de la demande en énergie électrique émanant aussi bien des entreprises publiques, du secteur socioéconomique, de l’administration et des particuliers, et la volonté des pouvoirs publics d’améliorer les conditions de vie des citoyens ont fait que le linéaire et la puissance du réseau électrique national ont connu une hausse constante durant les dernières années. Ainsi, au premier semestre 2020, le réseau électrique national s’étend sur un linéaire de 30837 km dont 14946 en 220Kv et 4750 en 400 Kv, le tout pour une puissance total de 63743 MVA. Le GRTE a aussi mis au point un plan de développement ambitieux qui concerne la période de 2020 à 2029 et qui permettra d’étendre le réseau électrique national à une longueur de 50280 km dont 21706 km en 220Kv et 8739 en 400 Kv, ceci pour une puissance de 110 938 MVA.
Les missions du GRTE
« Le GRTE est un maillon dans le système électrique qui relie la production au distributeur. Nous assurons donc le transit de l’énergie produite de son lieu de production vers son lieu de distribution. Tout cela se fait dans le respect de la loi de 2002 qui a défini pour chaque opérateur un certain nombre de missions et de responsabilités. Pour notre part, nous nous occupons du transport de la haute et très haute tension, c’est-à-dire à partir de 60 000 volts jusqu’à 400 000 volts. Nous avons des postes de transformations et des lignes qui fonctionnent avec ces niveaux de tensions », nous explique M. Rais, P-DG du GRTE. Les missions proprement dites du GRTE sont donc de :
assurer le développement de son réseau électrique, activité dévolue à la filiale CEEG (Compagnie engineering électricité et gaz), à travers une relation contractuelle entre les deux sociétés;
assurer la maintenance de son réseau sous tension depuis novembre 1986 : par le biais d’une maintenance préventive réalisée par des équipes de maintenance qui diagnostiquent les transformateurs de puissance, considérés comme les éléments les plus importants du réseau électrique, pour déceler une probable défaillance et la réparer ;
réaliser des visites de lignes et le lavage des isolateurs par hélicoptères (depuis août 2008) ;
réaliser le contrôle thermographique par hélicoptère (depuis 2015) ;
La maintenance du réseau de transport de l’électricité est réalisée dans le but de prévenir les incidents, réduire les avaries de matériels, prolonger la durée de vie des équipements et améliorer la qualité de service. Le plan de maintenance est élaboré en cohérence avec le plan stratégique de GRTE et selon le référentiel de maintenance avec des actions ciblées qui tiennent compte du diagnostic sur le comportement des équipements en exploitation, du retour d’expérience ainsi que des recommandations élaborées suites aux incidents survenus sur le réseau.
Il existe deux genres de maintenance : la maintenance préventive et la maintenance corrective.
Télécommande des postes de haute tension
Afin d’assurer une exploitation optimale des ouvrages du réseau de transport de l’électricité, le GRTE dispose de deux départements (Méthode et coordination exploitation et Suivi analyse réseau) qui ont pour missions essentielles :
la gestion de l’information réseau et contrôle de l’activité réseau,
la gestion des relations avec les opérateurs réseaux et intervenants dans l’activité,
la définition et la mise en œuvre des méthodes d’exploitation,
la gestion et analyses des incidents électriques.
Pour parfaire sa gestion et garantir une disponibilité maximale du réseau et une qualité de service à l’ensemble des clients qui y sont raccordés, le GRTE a généralisé la télécommande des postes de haute tension. Il a aussi mis au point l’utilisation des techniques numériques et a procédé à l’installation des compteurs numériques et de la télé-relève, ainsi que la généralisation du GPS.
Abdelhamid Rais nous parle du GRTE
Le président-directeur général du GRTE, Abdelhamid Rais, a bien voulu nous entretenir de la société qu’il dirige, filiale du groupe Sonelgaz et il commence par préciser les missions du GRTE : « Nous sommes chargés, au vu de la loi, du développement du réseau, de l’exploitation des infrastructures qui existent ainsi que de leur maintenance. Il reste bien entendu que nous développons le réseau pour faire face à la demande sans cesse croissante de l’énergie et, surtout, continuer à aller dans le sens du développement industriel et économique du pays ». Et de rappeler : « Ces derniers temps, même les pouvoirs publics se sont attelés à relancer la dynamique du développement économique et industriel du pays. Et pour accompagner ce développement et le booster, c’est devenu un challenge pour nous que d’accentuer le déploiement du réseau électrique ». Evoquant le côté technique, le P-DG du GRTE nous explique les contraintes liées à la réalisation, à l’exploitation et à la maintenance des lignes de moyenne et haute tension : « Effectivement, la réalisation des lignes subit plusieurs contraintes « administratives » qui, souvent, trouvent leurs règlements, comme les autorisations diverses auprès des structures et des administrations, mais notre plus gros souci demeure les oppositions qui deviennent de plus en plus fréquentes. Ces oppositions freinent quelque peu le déroulement des projets, il y en a qui n’aboutissent pas, même après plusieurs années, certains arrivent à cinq ans et même pour certains dix ans, pour une opposition qui nous bloque sur un tout petit tronçon d’une ligne à haute tension, ce qui perturbe énormément le déroulement du projet et retarde sa concrétisation. Il ne faut pas oublier que tous les projets que nous lançons s’intègrent dans l’amélioration des performances du réseau, c’est-à-dire celle de la qualité de service. Plus que cela, ce sont des projets qui s’intègrent dans le développement économique du pays. Nous sommes donc perdants sur deux volets : l’amélioration des performances du réseau ne se fait pas ; et l’alimentation en énergie électrique d’une agglomération ou d’une zone industrielle est remise en cause ou retardée. En plus, et une fois terminée, la ligne subit toutes sortes d’agressions qui remettent en cause tout ce qui a été fait pour l’amélioration du service. M. Rais explique : « Il y a plusieurs sortes d’agressions, comme les habitations qui viennent pousser sous les lignes, alors que le couloir de servitude est garanti par la loi. Normalement, dans ce couloir, les constructions ne sont pas tolérées. Nous avons fait un recensement de toutes les lignes agressées et qui se situent actuellement dans des lotissements habités alors que lorsqu’elles ont été construites elles étaient complètement en-dehors du tissu urbain et de toute agglomération. Maintenant, ce sont des lignes qui traversent des habitations, nous avons d’ailleurs une présentation qui identifie, à travers le territoire national, chaque ouvrage qui est agressé par une cité ou une agglomération. Ce type d’agression nous cause beaucoup de tort car il constitue en premier lieu un danger pour le citoyen. Deuxièmement, nous subissons la contrainte de la difficulté de la maintenance, lorsqu’un support se trouve dans une propriété privée, c’est toute une histoire pour accéder jusqu’à lui. Donc même pour réaliser la maintenance de nos réseaux, nous avons des difficultés ».
Pour ce qui est de la maintenance du réseau, le P-DG du GRTE précise : « Pour pouvoir assurer nos missions définies par la loi (l’exploitation, la maintenance et le développement du réseau), nous sommes organisés en régions de transport.Nous avons six directions régionales, une à Alger (wilaya d’Alger), une deuxième à Annaba qui chapeaute dix wilayas de l’Est, une troisième au niveau de Sétif, une quatrième située au Centre qui s’occupe de toutes les wilayas du Centre, une cinquième pour la région Sud-est localisée à Hassi Messaoud et arrive jusqu’à Ghardaïa avec un démembrement à Adrar et, enfin, une sixième au niveau d’Oran qui s’occupe de tout l’Ouest algérien. Ces directions régionales sont constituées de plusieurs structures, dont celles chargées de la maintenance et ce sont elles qui sont chargées de la maintenance, chacune pour la région qu’elle chapeaute. A partir du milieu des années quatre-vingt-dix, nous avons commencé à créer des pôles de maintenance au plus près de nos infrastructures. Chaque région est subdivisée en structures de maintenance à travers son territoire, certaines contenant quatre, d’autres en contiennent six, selon la consistance du réseau et de la superficie de la région concernée, ce qui nous donne au total et pour tout le GRTE à travers le territoire national 24 structures de maintenance. Concernant cette mission proprement dite, nous exécutons la maintenance des lignes de haute tension, sur les ouvrages (postes de transformation). Cette maintenance se fait par spécialité pour le matériel de haute tension comme les transformateurs, les disjoncteurs ou pour les équipements de contrôle et de commande et, enfin, des équipes de maintenance qui interviennent sur les équipements de télécommunication et de télé-conduite (tous nos ouvrages sont télécommandés à distance). De ce fait, toutes les informations concernant les ouvrages du réseau de transport de la société GRTE sont rassemblées au niveau du Centre de conduite national dépendant d’une autre filiale du groupe Sonelgaz l’Opérateur du Système électrique (OS). Ce centre a une image en temps réel de tous les ouvrages du GRTE, avec un certain nombre de télé-informations et télémesures qui remontent à son niveau pour lui permettre de télé-conduire le système électrique. »
Les perspectives de développement du GRTE s’intègrent dans un plan stratégique qui a été préparé bien à l’avance. Abdelhamid Rais nous en parle : « Nous sommes une filiale du groupe Sonelgaz, donc nos plans stratégiques ou opérationnels découlent bien entendu de ceux de la société-mère. Ainsi, notre vision consiste à continuer de développer la société sur tous les plans, celui du capital humain car sans la ressource humaine nous ne pouvons rien faire et c’est le développement de cette ressource humaine qui est le plus important, selon notre considération. Nous avons donc un ensemble de plans pour continuer à améliorer les performances et les potentiels de la ressource humaine de la société. Nos autres perspectives ont trait au développement de la société, la structure énergétique de la société. Pour cela, et c’est bien défini dans la loi, les plans de développement de la société sont établis chaque deux années en coordination avec la commission de régulation de l’électricité et du gaz (CREG) et c’est cette commission qui valide chaque deux ans les plans de développement des infrastructures énergétiques de la société. Donc, nos objectifs à travers ces plans sont d’améliorer les performances de fonctionnement du réseau de transport de l’électricité pour atteindre les standards internationaux, et nous nous en rapprochons (taux de perte de notre réseau 3,3%), ce qui est similaires aux performances des réseaux de transport d’électricité à travers le monde, ces pertes se situent dans les standards internationaux et ne sont que des pertes techniques. Il y a aussi un certain nombre d’indicateurs techniques qui servent de benchmark et même sur ces paramètres, nous nous situons au niveau des standards internationaux. Nous avons aussi pour perspective l’augmentation de toutes nos capacités de transport, d’abord en adéquation avec tout le parc de production d’énergie électrique qui se développe, pour améliorer la qualité de l’alimentation en cette énergie dans toutes les régions du pays. Ceci, en plus de l’augmentation des capacités d’alimentation en énergie électrique des industriels, des agriculteurs d’autant plus que l’Algérie s’engage dans une dynamique de développement économique et industriel pour pallier notre dépendance des hydrocarbures. Donc nous avons comme objectifs principaux de couvrir tous les besoins en énergie électrique liés à cette relance de l’économie. ». En abordant les énergies renouvelables, M. Rais affirme : « Les énergies renouvelables constituent le nouveau challenge du pays, surtout que nous sommes un pays qui a un potentiel dans ce segment. Nous avons déjà des énergies renouvelables qui sont raccordées au réseau de transport de l’électricité. En fait, produire de l’énergie, que ce soit à partir d’énergies renouvelables ou fossiles n’est pas une contrainte pour le GRTE parce que les lignes de transport que nous installons sont les mêmes que celles utilisées pour l’électricité conventionnelle. Donc l’avènement de ces énergies renouvelables ne posera pas de contraintes particulières. Il y a, par contre, une contrainte majeure pour la gestion des énergies renouvelables qui réside dans le problème de l’intermittence. L’énergie renouvelable provient soit des rayons solaires soit du vent qui sont des sources intermittentes soit elles sont là ou soit le sont pas. Il faudrait prévoir des outils de gestion de cette intermittence afin de toujours couvrir la demande par la production, d’autant que l’énergie électrique ne se stocke pas. Il faut donc disposer d’automates pour gérer et planifier cette intermittence car, quand une production diminue, il faudrait qu’elle soit compensée par une autre, d’un autre type ou non, mais pour le réseau de transport il n’y a pas de contrainte majeure. »
Enfin, et concernent le volet formation, M. Rais estime que « les métiers et les différentes spécialités exercés par le secteur de l’énergie n’existent pas au niveau du secteur de la formation, qu’elle soit universitaire ou professionnelle. Donc, au niveau du groupe Sonelgaz, nous avons nos propres centres de formation et de perfectionnement qui permettent un plus à nos agents dans les différents domaines d’activité. Mais cela ne nous a pas empêché d’améliorer nos relations avec les universités afin de pouvoir mettre en place des mécanismes qui nous permettraient de présélectionner à l’avance les cadres qui ont un fort potentiel et qui pourraient intégrer la société, ce sont là des dispositions qui se trouvent en phase de réflexion pour être mises en place. D’un autre côté, le GRTE pilote une association dénommée l’ARELEC (Association du réseau électrique) qui est associée à plusieurs grandes universités pour proposer des sujets techniques, des visites d’universitaires au niveau des postes du GRTE dans le but de consolider le lien avec les universités et permettre aux étudiants de voir comment fonctionne le transport de l’électricité. Nous pouvons, de notre côté, poser nos problèmes techniques à ces universités qui ont le temps et les moyens pour bien étudier un certain nombre de phénomènes que nous n’avons pas le temps d’anayser. Nous organisons aussi, à travers l’association ARELEC une conférence internationale tous les quatre ans, la prochaine étant programmée en 2023. »
T. M.
Abdelhamid Rais, P-DG du GRTE
Un spécialiste aux commandes du réseau de transport électrique
Ingénieur d’Etat en électrotechnique, spécialisé dans les réseaux électriques, Abdelhamid Raïs est président-directeur général du GRTE depuis juillet 2016. Il a pris à bras-le-corps les grands projets de transformation, de développement et de modernisation de l’entreprise qui lui ont été confiés. Homme de terrain au contact facile, M. Raïs a su s’entourer d’une équipe hautement formée au sein de la société qu’il dirige et avec laquelle il a pu mener ses missions à terme, continuant sur sa lancée pour faire aboutir tous les projets, en respectant les délais et les techniques.
Il débute sa carrière en mars 1993 en qualité d’ingénieur d’études au sein de la Région transport Est à Annaba où il reste jusqu’en 1997, année au cours de laquelle, il est muté dans la même région au service Exploitation dans le même grade d’ingénieur d’études. Il est ensuite chef de service études et travaux au sein de la même direction de 2000 à 2007, pour être promu chef de division essais et contrôle HT, toujours à Annaba. Il garde ce poste jusqu’en 2011, année où il est nommé directeur d’exploitation réseaux transport d’électricité du GRTE. En juillet 2016, il est promu président-directeur général de cette société.