Une baisse drastique des recettes des hydrocarbures

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Il s’agit d’abord d’éviter le mythe des exportations de matières premières brutes et semi-brutes, qui ne donnent qu’un taux de profit faible, pas de rente, ou le mythe monétaire de l’importance des « réserves de change, produit de la rente, sont facteurs de développement ». Remémorons-nous le déclin de l’Espagne pendant plus d’un siècle, après avoir épuisé ses stocks d’or venu d’Amérique. Voyez l’expérience de la Roumanie communiste de Nicolae Ceausescu avec une dette nulle, mais une corruption généralisée et une économie en ruine. Pour le phosphate, le prix est fluctuant. Supposons une connaissance parfaite du marché boursier international afin d’éviter d’importantes pertes, ayant varié en octobre 2019 à 77,50 dollars la tonne et en avril 2020 à 70,75 dollars la tonne.
Ainsi si l’Algérie exporte trente millions de tonnes de phosphate brut annuellement à un cours moyen de 100 dollars, une hypothèse très optimiste par rapport au cours mondiaux, à prix constant 2020, nous aurons un chiffre d’affaire de trois milliards de dollars et moins de 2,5 milliards de dollars au cours actuel. Comme dans cette filière, les charges sont très élevées (amortissement et charges salariales notamment) un minimum de 40%, le profit net serait d’environ 1,8 milliard de dollar pour un cours de 100 dollars et moins de 1,4 milliard de dollars pour un cours de 70 dollars. En cas d’association avec un partenaire étranger et prenant selon la règle des 49/51%, le profit net restant à l’Algérie serait légèrement supérieur à 900/700 millions de dollars pour les deux scénarios. Concernant le fer en avril 2020, le prix du fer s’établit à 85 dollars la tonne, en baisse de 4,7% sur un mois et de 9,6% sur un an. A un cours optimiste de 100 dollars la tonne du fer brut, pour une exportation de 30 millions de tonnes, nous aurons une recette brute de 3 milliards de dollars. Mais à ce montant il faudra retirer plus de 50% de charges (le coût d’exploitation est très élevé), restant 1,5 milliard de dollars. Ce montant est à se partager et selon la règle des 49/51%, avec le partenaire étranger ; restant à l’Algérie en cas de 30 millions de tonnes, moins de 800 millions de dollars. On est loin des profits dans le domaine des hydrocarbures du moins lorsque le cours du pétrole dépassait 60/70 dollars le baril et le gaz 10/12 dollars le MBTU. Il s’agit également d’éviter le mythe de la finance islamique via la sphère informelle, environ 33% de la masse monétaire en circulation selon la Banque centrale, qui a sa propre logique (voir Mebtoul étude réalisée pour le 4e Think Tank mondial IFRI, Paris, étude sur la sphère informelle décembre 2013), que certains, sans analyses objectives et pour des raisons essentiellement idéologiques, préconisent pour combler le déficit budgétaire et dynamiser l’investissement et ce, comme je viens de le démontrer dans une interview à Radio Algérie Internationale, le 10 mai 2020. L’objectif de la finance islamique est noble : promouvoir l’investissement dans des actifs tangibles, les investissements devant être adossés à des actifs réels, le banquier ne devant pas être seulement prêteur mais coinvestisseur du projet financé, ses revenus correspondant à une quote-part des résultats issus du projet financé, permettent d’atténuer le risque selon le principe du partage des pertes et profits. Cependant, il ne faut pas se faire d’illusions. Selon certaines estimations internationales, en 2019, la finance islamique dans le monde sur un total de financement mondial global dépassant 250.000 milliards de dollars, malgré son encours estimé à environ 2 500 milliards de dollars, ne représente que moins de 1 % de la finance classique. C’est pourquoi, il faut éviter le mythe du juridisme, car une loi n’étant qu’une loi devant comprendre le fonctionnement de la société pour agir concrètement. Aussi, face aux tensions financières et budgétaires inévitables entre 2020/2022, j’attire l’attention du gouvernement algérien que les recettes néo-keynésiennes de relance de la demande globale ne s’appliquent pas à l’Algérie qui ne souffre pas de rigidités conjoncturelles. Nous devons comparer le comparable comme l’économie vénézuélienne et non les USA et l’Europe qui reposent sur une économie productive, alors que l’économie algérienne a pour fondement la rente des hydrocarbures avec un déclin de l’appareil productif hors rente, excepté certains segments de l’agriculture. Une Nation ne pouvant distribuer plus que ce qu’elle produit, donc attention à la dérive salariale que certains experts algériens (vision populiste) proposent qui ne peut que conduire à la dérive inflationniste qui pénalisera les couches défavorisées, sans relancer la machine économique. Cependant, durant cette conjoncture difficile, la cohésion sociale est vitale, nécessitant des subventions ciblées au profit des couches les plus démunies, car distribuer des revenus sans contreparties productives conduit à terme au suicide collectif
Face à la crise, plus de rigueur budgétaire et mobilisation des compétences nationales autour d’objectifs précis
Il faut être réaliste, avec moins de 40 milliards de dollars de réserves de change fin 2020, sous certaines conditions, sinon les prévisions de la Banque mondiale de cessation de paiement, se concrétiseront la mi-2021, le risque est de voir l’épuisement des réserves de change se concrétiser le premier semestre 2022, supposant une mobilisation générale, plus de rigueur budgétaire, une profonde refonte politique reposant sur la moralisation tant des dirigeants que de la société qui conditionne la mobilisation générale autour des compétences nationales. Evitons toute sinistrose. L’Algérie dispose de compétences suffisantes localement et à l’étranger pour s’en sortir à condition d’un retour à la confiance Etat-citoyens, de développer une stratégie économique basée sur nos capacités propres, d’opérer les choix judicieux avec nos partenaires étrangers et enfin d’utiliser nos richesses pour un développement durable. Se mentir les uns les autres ou cacher la réalité nous entraînera irrésistiblement vers d’autres épreuves tragiques qu’aucun Algérien patriote ne souhaite. En économie, le temps ne se rattrape jamais et le temps presse pour redresser le bateau Algérie et l’éloigner de la zone de tempêtes qui le guette. Il y a lieu de procéder sans complaisance à un examen très lucide de la situation pour mieux réagir dans plusieurs segments de la vie économique et sociale : tels l’éducation-formation, le savoir, pilier du développement, la santé, la modernisation de l’agriculture, la culture financière des acteurs économiques, l’efficacité de l’administration, la relance des entreprises, à travers une nouvelle politique industrielle, lutter contre les déséquilibres régionaux et les inégalités sociales, la formation civique et politique de la jeunesse et tant d’autres domaines.
Dans le cadre de la bonne gouvernance, j’ai transmis des propositions au président de la République Abdelmadjid Tebboune et ce afin d’éviter des dépenses inutiles que l’on voile par de l’activisme, reflétant une panne d’idées, habitués à dépenser et non à gérer à partir de normes standards.
Aussi, face à une situation certes complexe, je propose que la présidence de la République donne ordre, avec un comité de suivi à son niveau, pour un inventaire de toutes les études opérationnelles, réalisées tant au niveau du Premier ministère que de l’ensemble des départements ministériels, des grandes institutions de la République y compris l’Université et des grandes sociétés nationales, qui ont coûté un montant faramineux en devises, de les réactualiser afin de les adapter à la conjoncture actuelle locale et mondiale. La modestie et le dialogue productif étant l’outil de la bonne gouvernance, évitons de croire que l’on détient la vérité et les meilleures solutions en effaçant tout ce qui a été réalisé par nos prédécesseurs, de vivre éternellement sur l’illusion de la rente des hydrocarbures, qui ne peut que conduire à des impacts négatifs, géostratégiques, économiques, sociales et sécuritaires, qui peuvent déstabiliser l’Algérie. Au moment où l’épidémie du coronavirus a ébranlé tous les pays du monde à la recherche de solutions et donc ce n’est pas propre à l’Algérie, pays à fortes potentialités, il y a urgence, pour des raisons de sécurité nationale et de rigueur budgétaire, pour un changement de paradigme culturel si l’on veut mettre en place une nouvelle stratégie de développement dans le cadre des valeurs internationales, supposant de l’action sur le terrain et non des théories abstraites. Car, selon nos informations, certaines institutions sont en train de reproduire des audits déjà réalisées, dans tous les domaines sciences exactes et sciences sociales, et dont les recommandations n’ont pas été appliquées. Pourquoi ce double emploi – perte de temps et d’argent qui n’apportera rien de nouveau et pas de valeur ajoutée aux autorités – avec des chevauchements des missions sans cohérence. La mentalité bureaucratique est de croire que c’est en créant de nouvelles structures ou de nouvelles lois que l’on résout les problèmes de la société, renforçant l’emprise bureaucratique. Alors que l’objectif est de proposer des solutions opérationnelles et non théoriques en regroupant toutes les énergies créatrices au sein de structures homogènes débureaucratisées et décentralisées, face à un monde de plus en plus complexe et incertain dont les décisions, au temps réel, tant conjoncturelles que stratégiques, doivent être fondées sur des entités pluridisciplinaires. Sur une entrée en devises entre 2000/2019 de 1000 milliards de dollars et une sortie de devises de 935 milliards de dollars pour les importations de biens et services (la différence étant le solde des réserves de change fin 2019), si l’on prend 15% pour les services, avec certainement des surfacturations plus faciles que pour les biens (cette corruption qui gangrène la société est à combattre, impliquant plus de transparence et de démocratie), nous aurons 140 milliards de dollars et pour 10% plus de 93 milliards de dollars, deux à trois fois les réserves de change , qui risquent de terminer à moins de 40 milliards de dollars fin 2020, sans compter les coûts en dinars des études, ces montants étant sous-estimées, puisque selon les données tant de la Banque centrale que du FMI les sorties de devises seulement entre 2010/2019 ont fluctué annuellement entre 9/11 milliards de dollars. En résumé, s’imposent des stratégies d’adaptation réalistes, au sein d’une nouvelle gouvernance, tenant compte des nouvelles transformations du monde dans le domaine sanitaire, économique, social, culturel et sécuritaire entre 2020/2030 et une mobilisation de toutes les compétences nationales locales et à l’étranger, mais ne devant pas être utopique, devant d’abord retenir celles qui sont encore en Algérie. Car dans la pratique des affaires, il n’existe pas de sentiments et de fraternité et nos responsables doivent s’éloigner du sentimentalisme en privilégiant à l’instar des grands pays (USA, Europe, Chine, Inde et autres) nos intérêts propres et que la survie de l’Algérie, sans être chauviniste, dépend des Algériens eux-mêmes.

Par Abderrahmane MEBTOUL

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