Entretien avec Pr Kamel Mansouri, directeur général

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L’Agence nationale des produits pharmaceutiques (ANPP) dont l’installation et la mise en marche ont été reportées depuis sa création par décret en 2008, vient de voir concrètement le jour en 2020 et a été dotée de tous les moyens pour mener à bien ses différentes missions de régulation, de règlementation et de promotion de l’industrie pharmaceutique dans son ensemble. Son directeur général, Pr Kamel Mansouri, a bien voulu nous en parler.

El Djazaïr.com : Parlez-nous un peu de l’agence que vous dirigez, monsieur le directeur ?

Pr Kamel Mansouri : Déjà, en 2008, la création de l’Agence des produits pharmaceutiques a été décidée par la loi sanitaire et ce n’est qu’en 2015 que cette loi a été appliquée et l’organigramme de l’agence connu. Le ministre de la Santé à cette époque avait accéléré les choses pour installer l’agence, ce qui a été fait uniquement du point de vue organique, mais il n’y avait ni les moyens, ni l’organisation, ni l’installation effective des organes, ce qui fait qu’elle a fonctionné sans moyens jusqu’en 2019, avec l’avènement du nouveau gouvernement. Même là, il a fallu attendre le début de l’année 2020 pour avoir accès à une contribution de l’Etat pour le financement ainsi que le siège où nous nous trouvons actuellement. L’agence, comme partout à travers le monde, est une agence du médicament dont la mission principale est d’assurer au pays un médicament de qualité et accessible financièrement à la population. Il faut dire que c’est facile à dire mais, dans la pratique, c’est très difficile d’y arriver.

El Djazair.com : Entièrement d’accord avec vous, et donc comment l’agence va-t-elle faire pour y arriver ?

Pr Kamel Mansouri : Donc, assurer un médicament de qualité obéit à toute une démarche qualité dans laquelle il faut s’inscrire, à commencer par l’enregistrement du médicament sur la base d’un dossier technique répondant aux standards internationaux. Ceci nécessite une expertise, c’est-à-dire des personnes suffisamment formées pour être en mesure de se prononcer sur le dossier. Il y a aussi une règlementation qui doit suivre et qui constituera une référence entre l’agence et l’opérateur qui doit se mettre à jour par rapport à notre règlementation. Le dossier d’enregistrement doit quand même être présenté sous un format usité internationalement, le format CTD (Comment Technical Document) et qui contient toutes les informations concernant le médicament candidat à l’enregistrement. Chaque volet devra être expertisé par un spécialiste déterminé et c’est pour cela que nous avons adapté l’organisation de l’agence pour y arriver. Il y a une partie règlementaire, une partie recherche et développement, l’aspect pharmaceutique (fabrication du médicament), l’aspect clinique du médicament, l’aspect financier (évaluation du prix), car le médicament doit soigner et éviter tout accident, et cette particularité déterminera toutes les autres. Nous avons donc une direction de l’enregistrement du médicament, une direction de l’homologation des dispositifs médicaux et réactifs, une direction des laboratoires, qui sont les investissements les plus lourds de l’agence car ce sont eux qui vont réaliser tous les essais. Ceci avant l’enregistrement, si le produit est conforme aux déclarations techniques contenues dans le CTD, il est enregistré, sinon, il passera par d’autres canaux pour chercher la faille avant de l’accepter ou de le rejeter. Une fois enregistré, le médicament subit deux autres contrôles sur le marché, le premier a trait aux lots de routine contrôlés systématiquement, le deuxième concerne le contrôle d’échantillons prélevés soit chez le fabricant sois chez le pharmacien. Il faut savoir que le contrôle de la qualité n’est qu’un levier parmi d’autres, dont l’audit, soit du grossiste, soit du pharmacien, soit du fabriquant lui-même. Des équipes seront spécialisées dans chacun de ces contrôles, elles sortiront sur le terrain pour vérifier les bonnes pratiques de fabrication, celles de stockage car le médicament est très sensible. Il y a, enfin, la direction de l’administration générale qui est nécessaire pour la bonne marche de toutes les autres, l’agence étant maintenant une agence à gestion spécifique, donc ce n’est plus une EPA, elle n’a pas d’entrée d’argent, elle a des dépenses et des prestations, tout en demeurant un instrument de la souveraineté nationale.

El Djazair.com : Pour contrôler un médicament et s’assurer de son efficacité, des essais cliniques sont parfois nécessaires, qu’en est-il pour l’Algérie ?

Pr Kamel Mansouri : Nous avons aussi une sous-direction appelée « sous-direction de bioéquivalence et essais cliniques » qui fait partie de la direction des laboratoires car, au cours des différents contrôles, nous avons l’essai clinique, c’est-à-dire sur l’homme, ce qui nécessite toute une règlementation pour le protéger, pour les protocoles, ce qui représente un aspect particulier. Ces produits sont fabriqués en Algérie et nous devons participer aux essais cliniques, mais il faut que cela soit fait dans les règles de l’art pour que l’Algérie ne constitue pas, encore une fois, un terrain d’essais ou juste un terrain pour pomper les matières premières. Nous devons être à la hauteur des défis des essais cliniques et donc avoir un transfert de technologie à ce niveau pour que nous le fassions nous-mêmes. Quant aux bioéquivalences, la quasi-totalité de nos producteurs nationaux se sont lancés dans le médicament générique qui nécessite souvent des essais de bioéquivalence pour que l’efficacité du médicament soit démontrée, car cela sera exigé pour que nous puissions commercialiser le médicament à l’étranger. Nous aiderons par ces essais et le certificat de bioéquivalence nos producteurs nationaux à se tourner vers l’export.

El Djazair.com : Qu’avez-vous à nous dire concernant la collaboration internationale ?

Pr Kamel Mansouri : La collaboration au niveau international est très importante pour nous et nous comptons signer des conventions avec nos homologues étrangers pour les impliquer dans la responsabilité dans la qualité des produits que nous importons de chez eux. C’est un point très important car il garantira de manière supplémentaire la qualité de ces produits, au lieu que le fabricant qui se trouve chez nous exporte directement sans passer par les agences du médicament. C’est aussi une forme de collaboration pour échanger des formations pharmaceutiques, les nouveautés concernant le médicament et même passer des conventions de reconnaissance mutuelle pour alléger l’évaluation en Algérie. Le troisième point est d’aider nos producteurs à exporter et à commercialiser à l’étranger, il faudrait qu’il y ait un échange d’égal à égal, nous ne devons plus rester dans le statut dimportateur. Il faudrait enfin que nous ayons une place au sein des agences et institutions internationales et une collaboration directe pour représenter l’Algérie dans ce domaine d’abord et faciliter ensuite les échanges et l’exportation de nos produits. L’OMS est un carrefour très important avec lequel il faudra s’impliquer directement et là, nous pourrons avoir beaucoup d’activité à l’égard des pays en voie de développement. L’OMS constitue aussi une veille très importante pour la découverte et la lutte des médicaments contrefaits, ayant les données, au niveau international, de tout ce qui est contrefait. 

El Djazair.com : L’agence dispose-t-elle de tous les moyens pour mener ses missions diverses et complexes ?

Pr Kamel Mansouri :  Il faut parler du problème des moyens auquel nous sommes souvent confrontés, surtout les moyens d’analyses pour les contrôles de qualité. Si nous ne disposons que de nos moyens propres (ceux de l’agence), nous risquons de mettre du temps et cela nécessitera de gros investissements. Donc, l’idée qui tend à se matérialiser actuellement, c’est de mutualiser toutes les compétences et les moyens nationaux et nous allons nous ouvrir pour valider des laboratoires nationaux), à travers des conventions pour les impliquer chacun dans sa spécialité pour nous aider à contrôler, à évaluer un produit, médicament ou dispositif médical. Si nous réussissons donc à réunir toutes les compétences techniques nationales (dans les hôpitaux, dans les laboratoires, à l’étranger), nous aurons réussi à régler une bonne partie des problèmes techniques.

El Djazair.com : Et qu’en est-il de la formation ?

Pr Kamel Mansouri :  Il est clair que tout le personnel impliqué dans ces opérations complexes de contrôle, d’évaluation doit être formé, donc le volet formation doit être pris très au sérieux et être de mise, en interne ou en externe. En interne, nous mettons le paquet actuellement pour recruter les hospitalo-universitaires au niveau de l’agence et nous sommes aussi en train de tout faire pour garder l’université au sein de l’agence, c’est une question de statut que nous discutons, c’est très important car c’est le moteur du développement. Pour la formation en externe, nous pourrons, dans le cadre des conventions signées avec nos partenaires étrangers, envoyer des personnes pour des formations ponctuelles dans différentes spécialités. Pour évaluer un producteur, nous devons être à un niveau de formation et d’information plus élevé et nous devons mettre le paquet sur la formation de nos experts.

 T. M.

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